ACIDES AMINES ET PROTEINES

1. Acides aminés

1.1 Caractéristiques des acides aminés

Les acides alpha-aminés

Les acides aminés sont des molécules polyfonctionnelles qui comportent au moins une fonction acide carboxylique et une fonction amine. Ce sont des acides a-aminés (alpha-aminés) ce qui signifie que les groupes carboxylique et amine sont portés par le même atome de carbone. Cet atome de carbone (Ca ) est un carbone asymétrique ou carbone chiral, excepté pour l'acide aminé le plus simple appelé glycine ou glycocolle.

Les différents radicaux R des chaînes latérales

Les acides aminés naturels sont au nombre de 20. Ils se différencient les uns des autres par la nature de leur chaîne latérale (R). Chaque acide aminé aura des propriétés chimiques particulières qui seront déterminées par les caractéristiques de sa chaîne latérale.

Les chaînes latérales sont souvent classées selon leur polarité et leur charge électrique à pH 7 :

Les acides aminés chargé électriquement à pH 7 ou non chargés mais polaires sont situés à la surface des protéines, c'est à dire à l'interface entre la macromolécule et le milieu aqueux dans lequel elle baigne.
Les acides aminés non polaires sont en général enfouis à l'intérieur de la protéine dans les zones hydrophobes.

La nature de la chaîne latérale R influence quatre paramètres importants :

Les propriétés de quelques radicaux R

La glycine ou glycocolle est l'acide aminé le plus simple pour lequel R est un atome d'hydrogène.
C'est le seul amino-acide qui n'ait pas de carbone asymétrique donc pas d'isomère optique. C'est le résidu, parmi tous les autres résidus aminoacyles, qui permet la plus grande liberté de conformation de la chaîne polypeptidique.

La proline est un acide aminé très particulier, il n'a pas de groupe aminé libre mais celui-ci est engagé dans un cycle avec la chaîne latérale hydrocarbonée. La proline a un rôle très important dans la structure spatiale. Du fait de la conformation particulière de la molécule, elle impose des changements de direction dans les protéines.

La cystéine est un acide aminé qui possède une fonction thiol (-SH). La fonction thiol s'oxyde facilement en disulfure (-S-S-). Les ponts disulfure sont extrêmement importants dans la structure spatiale tridimensionnelle des protéines. Une protéine qui possède de nombreux ponts disulfure est en général très stable (difficilement dénaturée).

2 Cy -SH ® Cy-S-S-Cy + 2H+ + 2e-

L'oxygène de l'air peut servir d'agent oxydant (accepteur d'électrons et de protons).
Les disulfure appartenant à d'autres protéines peuvent aussi être oxydants vis à vis des thiols d'une protéine donnée. C'est une réaction très particulière appelée interchange thiol-disulfure. Cette réaction est très importante aussi bien au niveau métabolique dans les cellules, qu'au niveau technologique dans les processus de transformation en agroalimentaire, par exemple dans la fabrication du pain.

La lysine qui est un acide aminé basique avec une fonction amine dans la chaîne latérale est souvent impliquée dans une suite de réactions complexes de condensation avec les glucides. Les réactions en question sont connues sous le nom de réactions de Maillard et sont extrêmement importantes dans la chimie des produits agroalimentaires.

L'histidine joue également un rôle dans les réactions de Maillard par l'intermédiaire de l'azote de sa chaîne latérale. L'histidine, tout comme les autres acides aminés présents dans le site catalytique des enzymes et qui sont chargés positivement ou négativement à pH 7, est souvent impliquée dans le mécanisme réactionnel des réactions enzymatiques.

La nature hydrophile et hydrophobe des chaînes latérales


La nature hydrophobe ou hydrophile de la chaîne latérale est un élément qui a une grande importance sur la structure tertiaire des protéines.
Ce paramètre est mesuré par l'index d'hydropathie des acides aminés. L'index d'hydropathie est d'autant plus élevé que la molécule porte une chaîne latérale apolaire.
Une chaîne latérale sera décrite comme hydrophobe (ou apolaire) si elle est constituée uniquement d'atomes de carbone et d'atomes d'hydrogène en chaîne aliphatique ou cyclique.
Inversement une chaîne latérale d'acide aminé sera considérée comme hydrophile (ou polaire) si elle est chargée électriquement ou encore si elle contient des atomes susceptibles de polariser les liaisons, en particulier des atomes d'oxygène ou des atomes d'azote.

1.2 Les propriétés optiques des acides aminés

L'isomérie optique (énantiomérie) - Représentation de Fischer


L'isomérie optique des acides aminés provient de leur carbone chiral. Seule une des deux séries d'énantiomères est représentée dans les biomolécules. Les acides aminés naturels sont de la série L.

La représentation des formules des acides aminés en projection de Fischer permet de systématiser l'écriture en 2 dimensions (sur une feuille de papier ou sur l'écran d'ordinateur) des différents acides aminés pour rendre contre de leur conformation en 3D.
 

L'absorption de la lumière U.V par les acides aminés

La mesure de la quantité de lumière absorbée par une molécule s'appelle la spectrophotométrie.

Les acides aminés absorbent tous la lumière ultraviolette au voisinage de 220 nm. L'étude des spectres d'absorption des différents acides aminés révèle que les trois acides aminés aromatiques ( Try, Phe, Tyr) ont un deuxième pic d'absorption à une longueur d'onde plus élevée : au voisinage de 280 nm.
Comme toutes les protéines possèdent des résidus aminoacyles aromatiques, cette propriété d'absorption à 280 nm est mise à profit pour détecter simplement, par mesure spectrophotométrique, la présence de protéines dans un liquide donné.

1.3 Les propriétés ioniques des acides aminés

Variation de l'état d'ionisation des acides aminés et des protéines en fonction du pH. Détermination du point isoélectrique

Les fonctions alpha-carboxylique et alpha-aminée des acides aminés ont des pKa très différents : de l'ordre de 2 pour la fonction carboxylique et de l'ordre de 9 pour la fonction amine.

La dissociation de chaque groupe se fera donc à des pH distincts.

+H3N- CH(R)- COOH +H3N- CH(R)- COO- H2N- CH(R)- COO-

La forme ionique intermédiaire est un zwitterion ou ion dipolaire. C'est également une espèce amphotère puisqu'elle a les propriétés d'une base pour la première réaction de dissociation et les propriétés d'un acide pour la deuxième réaction de dissociation.

Le pH où existe le zwitterion comme forme majoritaire et où la concentration de AA+ est égale à la concentration de AA- est par définition le point isoélectrique ou point isoionique (pI) de l'acide aminé.
Dans le cas où la chaîne latérale de l'acide aminé ne porte pas de groupes dissociables, le pI de l'acide aminé est égal à la demi-somme des pKa de la fonction alpha -carboxylique et de la fonction alpha-aminée.
Si la chaîne latérale possède des groupes ionisables en fonction du pH, il faut identifier l'espèce chimique qui correspond au zwitterion en écrivant les différentes réactions de dissociation. La valeur du pI sera donnée par la ½ somme des pKa qui réactions de dissociation qui entourent le zwitterion.

Calcul de la charge électrique d'un acide aminé à un pH donné

La charge globale portée par les différentes formes ioniques de l'acide aminé en solution dépend de la valeur du pH de la solution.

La calcul plus précis de la charge globale nécessite de connaître la concentration des espèces ioniques présentes en solution. Ceci peut se faire en utilisant la relation de Henderson- Hasselbach :

pH = pKa + log [base conjuguée] / [acide]
 

1.4 Séparation, caractérisation et dosage des acides aminés

  • Séparation des acides aminés dans un mélange

  • Les techniques courantes de séparation des acides aminés en solution reposent sur deux types de paramètres :
    · leur différence de charge électrique à un pH donné ( différence de pI)
    · leur différence de polarité
    La différence de charge électrique permet une séparation par les techniques d'électrophorèse ou par des techniques chromatographiques par échange d'ions sur une résine.

    La différence de polarité est déterminante pour la séparation par des techniques chromatographiques (chromatographie de partage sur couche mince ou par séparation à contre-courant).
     

  • Caractérisation et dosage des acides aminés

  • La présence d'acides aminés dans une solution ou sur une plaque de chromatographie ou un support d'électrophorèse peut être détectée à partir d'une réaction de coloration avec la ninhydrine.

    Il existe, par ailleurs, diverses réactions de coloration spécifiques d'acides aminés ; par exemple le réactif de Folin pour les acides aminés aromatiques (Phe, Trp, Tyr), le réactif de Sakaguchi pour l'arginine…

    Ces réactions colorées peuvent être utilisées pour réaliser des dosages colorimétriques des acides aminés.

    2. Protéines

    Les protéines sont des macromolécules constituées par association des acides aminés par liaison peptidique. Le nombre de résidus aminoacyles va de quelques unités à plusieurs centaines.
     

    2.1 La structure primaire

  • La liaison peptidique

  • La liaison peptidique est la réaction d'accrochage d'un premier acide aminé avec un deuxième acide aminé. Il s'agit d'une condensation avec élimination d'une molécule d'eau entre le groupe alpha -carboxylique du premier acide aminé et la fonction alpha -aminée de la deuxième molécule.

    +H3N- CH(R1)- COO- ++H3N- CH(R2)- COO- ®+H3N- CH(R1)- CO - HN- CH(R2)- COO- + H2O

    En couplant 2 acides aminés, on obtient un dipeptide. On dénommera tripeptide, tétrapeptide ou pentapeptide … la molécule obtenue selon son nombre de résidus.

    Un oligopeptide est une chaîne ne comprenant que quelques résidus : de 2 à 10 ou 20.
    Un polypeptide est une dénomination synonyme de protéine.
     

  • Le sens de la chaîne polypeptidique
  •  
    +H3N- CH(R1)- CO - HN- CH(R2)- COO-
    Quand on regarde la formule d'un dipeptide, on se rend compte que la chaîne a un sens. Une des extrémités porte un groupe amine alors que l'autre extrémité porte un groupe carboxylique.
    Dans une chaîne polypeptidique, on appellera extrémité N-terminale le résidu qui porte la fonction amine et extrémité C-terminale, le résidu qui porte la fonction carboxylique.

    Par convention, on attribue à la chaîne le sens N-terminal ® C-terminal: on lira les résidus présents en partant de l'extrémité N-terminale et en allant vers l'extrémité C-terminale.
     

  • L'isomérie cis-trans

  • La liaison peptidique peut exister sous 2 configurations : la configuration cis où le O du C=O est du même coté de la liaison peptique que le H du NH et la configuration trans où les 2 atomes sont de part et d'autre de la liaison.

    La configuration trans est beaucoup plus stable que la configuration cis parce qu'il y a moins de gêne sur le plan stérique pour les 2 groupes R adjacents. C'est donc essentiellement sous la configuration trans que seront distribués les atomes autour de la laison peptidique.
     

  • Le plan amide
  • +H3N- CH(R1)- CO - HN- CH(R2)- COO-

    Du fait de la présence de l'oxygène qui est fortement électro-attracteur , les électrons de la liaison peptidique vont être attirés du côté de l'oxygène en polarisant ainsi la liaison C-N. L'oxygène prend une charge négative partielle, alors que l'azote donne son doublet d'électrons libres et prend une charge positive partielle. De ce fait, les électrons entre l'oxygène et l'azote sont délocalisés. Il existe une forme intermédiaire hybride entre les 2 formes limites en résonance.

    STRUCTURE DE LA LIAISON PEPTIDIQUE a et b sont 2 formes limite de la distribution des électrons entre l'oxygène et l'azote
    c est l'hybride de résonance plus proche de la structure réelle

    La conséquence de cette délocalisation électronique est que les six atomes dessinés en rouge dans la formule du dipeptide sont dans le même plan. Ce plan est appelé plan amide.

    Dans une chaîne polypeptidique, il existe autant de plans amide que de liaisons peptidiques.
     

  • Le diagramme de Ramachandran
    On caractérise la position spatiale d'un plan amide par rapport à son voisin en définissant 2 angles de rotation : l'angle psi (Y) qui est l'angle de rotation autour de la liaison Ca-C (de C=O) du plan 1 et l'angle phi (F) qui est l'angle de rotation autour de la liaison Ca-N (de N-H) du plan 2.
    Toutes les valeurs d'angles ne sont pas permises. Le diagramme qui représente les valeurs possibles d'un des angles en fonction de l'autre s'appelle diagramme de Ramachandran. Le diagramme indique les zones où existent les différents types de structure spatiale (structure tertiaire).

  • 2.2 Analyse de la structure primaire des protéines

    Cours d'Analyse de la structure primaire des protéines

    2.3 La structure secondaire

    Le premier niveau de l'organisation dans l'espace de la chaîne peptidique , compte tenu de l'existence des différents plans amide se fait selon deux types de structure :
    · l' hélice a (alpha)

    · le feuillet b (bêta) Ces deux types de structure sont stabilisés par de nombreuses liaisons hydrogène, parallèles à l'axe de l'hélice pour l'hélice a et perpendiculaires à l'axe de la chaîne pour le feuillet b.

    L'hélice a (alpha) est plus compacte, moins étirée que le feuillet b (bêta). Les fragments de la chaîne polypeptidique organisés en hélices ou en feuillets sont reliés par des petits segments polypeptidiques appelés coudes ou coudes b (bêta). Les coudes permettent un changement de direction (une boucle) dans la chaîne polypeptidique permettant de réaliser un reploiement de la macromolécule protéique. Il existe également des portions de chaîne qui ne sont pas organisées de façon régulière. Ces fragments se replient de manière plus ou moins aléatoire. Ces zones plus désorganisées que le reste de la chaîne s'appelle pelote statistique.

    2.4 La structure tertiaire

    Dans la chaîne peptidique, des portions d'environ dix résidus adoptent une configuration donnée : hélice alpha ou feuillet bêta. Il en résulte qu'une protéine est constituée par une succession de parties en hélices ou en feuillets, séparées par des fragments en pelotes statistiques. La chaîne est donc repliée maintes fois. Les changements de direction dans la chaîne sont assurés par les coudes.
    Certaines protéines, comme la myoglobine, sont constituées essentiellement d'hélices ; d'autres protéines sont constituées essentiellement de feuillets , c'est le cas des anticorps ; d'autres enfin sont des assemblages de parties en hélices et en feuillets. En général 60 à 70% des protéines ont une stricte organisation spatiale, le reste de la molécule est sous forme de pelote statistique.

    2.5 La structure super-secondaire

    L'analyse détaillée de l'alternance des feuillets et des hélices dans des protéines différentes fait apparaître l'existence de motifs semblables. L'ensemble de ces motifs (en clé grecque et autres motifs…) constitue la structure super-secondaire.

    2.6 Domaines

    Dans les protéines globulaires de taille importante, on peut souvent définir des parties plus ou moins sphériques distinctes, constituées par 100-150 résidus. Ces parties distinctes, compactes, sont ce qu'on appelle domaines. Les domaines peuvent plus ou moins coïncider avec les structures super-secondaires.

    2.7 Structure quaternaire

    Un certain nombre de protéines possèdent un niveau supérieur d'organisation : elles sont assemblées en plusieurs sous-unités semblables ou différentes. Ces protéines, dans le cas où elles ont une fonction enzymatique, ont un rôle capital dans la régulation du métabolisme. Ce sont les enzymes allostériques.

    3. Protéines globulaires et protéines fibreuses

    A partir de la structure tertiaire, on peut classer les protéines en deux grands groupes :
    · les protéines globulaires, qui sont solubles et qui ont souvent un rôle fonctionnel (enzymes, anticorps). Leur structure spatiale ressemble à une sphère.
    · les protéines fibreuses qui sont insolubles et qui ont une grande importance dans la structure cellulaire (cytosquelette, fibres musculaires) ou dans la structure des tissus épithéliaux (kératine, élastine …). Leur structure tridimensionnelle est en forme de fibres.

    4. Association intermoléculaire : les complexes multi-enzymatiques

    Certaines protéines sont associées spatialement en des assemblages qui peuvent comporter, non seulement, un nombre importants de sous-unités d'une même protéine mais également plusieurs protéines différentes. En général, il s'agit de complexes protéiques qui ont une activité enzymatique qui doit être synchronisée.
    Par exemple, le complexe pyruvate déshydrogénase est une énorme structure qui consiste en 24 molécules de transacétylase + 12 dimères de pyruvate déshydrogénase + 6 dimères de dihydrolipoyl déshydrogénase.

    5. Les forces de cohésion

    Les forces qui sont responsables du reploiement de la structure en 3D et qui assurent la stabilité de la conformation sont des interactions faibles : liaisons hydrogène, interactions électrostatiques, forces de Van der Waals ou interactions hydrophobes.
    Biochimie Structurale et Analytiqueã Danielle et Khanh Lê-Quôc 1999-2000